La Cour Européenne des Droits de l’Homme considère que les répétitions tournées sont des prises

Cest la conclusion judiciaire inattendue d’un combat entamé en 2010 : la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans un jugement rendu le 30 mai 2016, a considéré que les répétitions tournées, lors d’un tournage de fiction, étaient en réalité des prises comme les autres.
La cour avait été co-saisie par Les Scriptes Associés (LSA) et les Assistants Opérateurs Associés (AOA) à la suite de nombreux tournages où le tournage des répétitions avait entraîné de nombreuses difficultés dans l’exercice du métier de scripte et d’assistant opérateur. « La Cour nous a suivi dans notre argument : les répétitions tournées sont un acte de torture et donc interdites par l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme », explique Me Bourdon, qui représente les plaignants.
À la barre, les témoins appelés par Me Bourdon ont livré des propos glaçants. M., assistant opérateur, raconte avec beaucoup de fragilité la première fois qu’il a été confronté à une répétition tournée : « on m’a dit que c’était une répétition, alors j’ai sorti mon décamètre, et là j’ai entendu ‘Moteur’, je ne savais plus quoi faire, mon sang s’est glacé ». Il poursuit en expliquant qu’il a été contraint de passer chef opérateur plus vite que prévu « pour ne pas avoir à revivre ces angoisses ». Du côté de LSA, c’est l’énervement qui prédomine : « comment fait-on pour les numéroter, ces répétitions tournées, expliquez-moi ! » s’emporte I., une scripte dont l’expérience pèse lourd sur les plateaux les plus en vue de la place de Paris.
L’affaire n’était pourtant pas entendue, et les observateurs avertis de la production cinématographique française n’auraient pas parié sur un tel jugement. Les arguments en faveur des répétitions tournées, fournis notamment par les réalisateurs et assistants mise en scène, ont du poids : « il faut savoir respecter la fragilité des comédiens. En tournant les répétitions, on ne risque pas de passer à côté de beaux accidents de la première fois », nous explique ce réalisateur et poète entre deux prises (ou répétitions ?) d’un spot publicitaire pour de l’huile de vidange biologique.
Ainsi, ce qui semblait être un vulgaire problème de conditions de travail s’est transformé en débat sur la liberté accordée à la création : peut-on tout sacrifier sur l’autel de l’œuvre et de la performance ? La Cour a donc considéré que l’art ne devait pas faire abstraction des droits de l’homme. Ce jugement devrait faire jurisprudence et avoir de lourdes conséquences sur les plateaux de tournage français et européens. Mais plusieurs assistants mise en scène se sont voulus rassurants : « il nous reste des leviers. Certains parmi nous ont commencé à mettre en place l’enregistrement des mécaniques », souligne un premier assistant réalisateur astucieux. Alors qu’elle semblait conclue par l’arrêt de la CEDH, la guerre de la spontanéité ne ferait-elle en réalité que commencer ?
Il ne serait pas injuste, non plus, de condamner à de lourdes peines les réalisateurs qui prononcent un terrible « COUPEZ » lors que tout le monde partait sur un clap de fin !
c’est une blague cet article ?