Une formation « Comprendre la Convention Collective » annulée faute de formateur

C’est un curieux attroupement qui s’est formé en début de semaine devant les locaux de Pôle Emploi Spectacles à Saint-Denis. Directeurs et administrateurs de production formaient la majorité des rangs, auxquels se joignaient également des techniciens de tout poil du cinéma français. Le groupe n’était pas dans la rue pour manifester contre une quelconque loi ou négociation du régime de l’assurance-chômage : il s’est simplement vu refuser l’accès à une formation inédite sur la Convention collective nationale de la production cinématographique. Motif invoqué par l’Afdas, en charge de la formation : l’absence de formateur capable de mener à bien un tel défi.
Dans les rangs des techniciens, la déception était à la hauteur de l’espoir généré par une telle formation. « C’est une vraie tristesse pour moi, cela fait quatre ans que je travaille à tâtons, j’aurais apprécié un éclairage », grommelle Sabrina, administratrice de production depuis vingt ans. Étienne, assistant opérateur, est un peu désabusé : « quand je pense que j’ai réellement cru que quelqu’un allait me dire une bonne fois pour toutes ce que veulent vraiment dire certaines phrases de la Convention ! » Lui a pris l’habitude de relire les passages les plus ambivalents à haute voix avec les directeurs de production qui l’embauchent, en prépa, afin de se mettre d’accord sur les modalités de travail et de rémunération. Mais ses interlocuteurs ne jouent pas toujours le jeu.
À l’Afdas, des explications sont de rigueur. « Cela fait six mois que je monte cette formation », explique Éric Degron : « j’ai démarché des juristes, des syndicalistes, des directeurs de production… Tous ont admis ne pas suffisamment maîtriser le texte en l’état. » De nombreuses pistes ont alors été creusées pour trouver un expert capable de mener la formation à bien : « J’ai même contacté des paléologues [spécialistes des langues anciennes et mortes] qui n’ont pas donné suite. »
À quelques semaines de la formation, Éric Degron a la chance de rencontrer un politologue, ancien participant à la rédaction de l’accord sur le nucléaire iranien, qui accepte de se pencher sur le texte de la Convention. Mais alors qu’il pensait la formation sauvée, Éric reçoit un coup de téléphone dans la nuit qui précède : « il a jeté l’éponge, il m’a dit qu’il bloquait complètement sur les modes de rémunération des techniciens en annexe III ». L’homme refuse tout compromis.
Éric se retrouve donc ce matin face à une centaine de techniciens frustrés, mais il se veut confiant : « on va organiser une petite table ronde des familles, tout le monde va pouvoir discuter du texte, ils ne seront pas venus pour rien ». L’occasion de prouver une fois encore qu’il y a plus d’interprétations de la Convention que de directeurs de production sur la place de Paris.