Shoot’Air: Une vignette pour les tournages les moins polluants

Ce fut l’un des derniers amendements adopté par l’Assemblée Nationale avant que cette dernière ne ferme ses portes pour congé électoral, la vignette initialement prévue pour catégoriser les véhicules (en place depuis janvier 2017) s’étendra désormais au tournage de productions audiovisuelles. Cette mesure rentre en vigueur ce mardi et devrait laisser un temps d’adaptation de 3 mois afin que directeurs de productions et régisseurs généraux s’accommodent de cette nouvelle obligation.
Désormais, chaque tournage devra opter pour un comportement exemplaire si la production ne veut pas se voir retirer l’autorisation de prises de vues auprès de la mairie concernée. Bien que la production soit responsable de l’empreinte carbone de toute une équipe, il convient à chaque technicien d’apprendre à réduire ses consommations inutiles et faire un geste pour l’environnement. Cela passe par des petits changements pour certains et drastiques pour d’autres. Hervé Coleau, régisseur général depuis plus de 30 ans, est à la tête de la commission chargée d’évaluer les causes et effets de pollution, une évaluation ordonnée par le ministère de l’environnement et le CNC. Cette commission composée de 18 techniciens et artistes devait s’accorder à dénoncer les malveillances de leurs collègues mais aussi et surtout apporter des réponses et alternatives à ces agissement. Voici donc un tour d’horizon de cet état de fait.
L’indice numéro 1 de pollution sur un tournage est bien entendu représenté par sa consommation de gobelets en plastique au rayon table régie. Philippe est coiffeur sur des tournages cinéma et passe un certain temps à la table régie avec ses collègues du HMC. Pour nous, il a accepté de faire le décompte de sa consommation. « C’est bien simple, je carbure à un café par heure » répond le suspect. Nait alors, logiquement, la formule cartésienne suivante :
(Ration Café/Heure x Heures de tournage) x techniciens présents sur un plateau x nombre de jours de tournage = Gobelets à la poubelle
Philippe tombe des nues lorsque le résultat s’affiche sur son smartphone. Ce chiffre plus ou moins arbitraire est bien entendu à prendre avec des pincettes car il faut prendre en compte les absents de la table régie et ceux qui bien sûr utilisent le marqueur mis à leur disposition pour y inscrire leur nom. « Mais lorsque l’on dépasse les mille éléments, cela commence à devenir problématique » dénonce Hervé Coleau qui propose déjà sur ses tournage depuis presque 10 ans le principe du mug personnel mis à disposition du technicien. « Je les fais même graver au nom du film et de chaque technicien, comme ça, cela fait un souvenir depuis que les claps de fin de film ont disparu ».
Mais le gobelet n’est pas le seul veto que veut mettre en place la commission. Pensons à ces kilomètres de gaffer utilisés, et à quel prix ! « Un comédien qui sait se placer exactement au bon endroit, c’est un indice Shoot’Air de gagné. Il s’agirait d’y penser » s’amuse Hervé Coleau. Désormais, les directeurs de casting devront faire avec cette contrainte. Et l’Afdass de proposer en conséquence une petite formation bien à eux intitulée : Comédien ? À ta place.
Il en sera de même pour les feuilles de service bien trop souvent oubliées sur la table régie et qui finiront en fin de journée au milieu des gobelets usagés. Roland Gagnan, directeur de production, est passé depuis 2014 à la feuille de service 100% numérique. Il était le premier et est allé jusqu’à même proposer un prêt de smartphone pour ceux qui tournaient encore à l’époque avec un Sony Ericsson K750.
Mais si chaque tournage peut être amené à faire un effort et ainsi diminuer l’émission en CO2 d’une comédie française, la bête noire reste encore la publicité, du fait de sa surconsommation de projecteurs au m2, sa table régie démesurée, ses décors parfois trop grands et même inutilisés, son chauffage à fond au carré agence l’hiver et sa climatisation l’été alors que personne ne s’y trouve, et bien entendu, sa multiplication de retours vidéo bien souvent inutiles. Nul doute que si un effort n’est pas fait d’ici les prochains mois, des sanctions sévères devraient tomber pour ces productions qui n’atteindraient pas l’indice 5 (le pire indice sur une échelle de 0 à 5, ndlr).
Mais alors, vous vous demandez où sera présente cette vignette ? En cours de production, elle complétera le sticker Crit’air sur chaque véhicule de tournage et une vignette sera destinée à chaque chef d’équipe qu’il faudra impérativement garder sur soi en cas de contrôle des autorités. En post production, elle sera placée sur les portes des auditoriums, salles de montage et d’étalonnage. Enfin, elle viendra s’inscrire aux côtés des labels UGC ou Gaumont, s’ils existent, sur… l’affiche.
Adieu donc les listes consommables gargantuesques des assistants caméra, adieu le taxi par comédiens, adieu les gobelets par milliers, dites bonjour au recyclage, aux taxis partagés, au mugs fantaisie d’Hervé, pour que les tournages continuent d’être une fête chaque jour et ce pour le bien être de notre planète.