Il simulait l’accent du Sud-Ouest depuis 20 ans pour bénéficier de la sympathie des productions

Renan Carcassonne, chef opérateur de long-métrage depuis plusieurs années, jouait un rôle construit depuis ses débuts d’assistant opérateur. Accent chantant, haleine anisée et boules de pétanque dans le sac à dos, ce natif de Lille s’était pris au jeu d’une vie d’agent infiltré au service de sa carrière. Son but ? Devenir le Marcel Patulacci du cinéma français.
« Dès que tu entends un accent du Sud, les gens te paraissent sympathiques ». C’est ce constat simple qui a fondé toute la vie professionnelle de Renan, un constat fait presque par accident, en découvrant un sketch des Inconnus, par hasard à la télévision en fin de soirée. Ce soir-là, Renan a vu germer l’idée qui a fait basculer sa vie et sa bande-démo.
« Je faisais des téléfilms et des pubs comme second assistant opérateur, et à côté je me battais pour faire de pauvres petits court-métrages. On me refusait tout, et quand je finissais par décrocher un projet, il fallait se battre pour avoir un quart des moyens nécessaires pour bien faire le boulot. » Résultat : Renan a l’impression de stagner. La remise en question n’est pas loin, et Renan veut à tout prix l’éviter. « J’ai passé ma vie bercé d’illusions et de rêves, ce n’est pas pour me réveiller un matin et me rendre compte que j’avais tort, merci bien », assène-t-il simplement. Une exigence de vie qui va le pousser, un triste soir devant FR3, à faire un pari fou.
« Je faisais une pub la semaine suivante, avec une nouvelle production et une nouvelle équipe, je ne connaissais personne. Au dernier moment, le premier jour, j’ai pris l’accent ». Le coup de bluff fonctionne au-delà des espérances de Renan : « chez le loueur, j’ai eu tout le matériel que je venais demander, on me disait ‘allez l’OM’ en me faisant des claques dans le dos, et ma nouvelle équipe ne s’est pas posée une seule question ». Ces réactions inattendues poussent Renan au test ultime : « la prod m’a appelé pour le salaire, j’ai demandé le double du tarif de base. Ils m’ont dit non, j’ai dit que ça allait être vraiment compliqué pour moi de le faire. J’ai bien pris soin de laisser traîner ma voix en fin de phrase, chantant et un peu désolé… Dix minutes après, c’était bon ».
Après un tel succès, Renan ne se pose plus de question : il sera du Sud ou ne sera pas. « Je ne prenais pas tant de risques que ça », tempère-t-il. « J’ai observé plus d’un mauvais comédien en téléfilm, j’avais du bagage, ça ne me paraissait pas si compliqué que ça ». C’est donc en comédien que Renan investit son nouveau projet, et un comédien investi, Actor’s Studio jusqu’au bout des ongles. Déménagement à Montpellier, inscription à l’amicale bouliste locale, dégustation de pastis… Renan ne prend aucun risque, balaie toutes les possibilités, vit à fond sa nouvelle identité. « Je me suis inspiré d’un reportage que j’avais vu sur la DGSE et les agents infiltrés », explique-t-il. À quelques exceptions près, dûment justifiées par sa légende, comme le traditionnel repas de Noël en famille à Lille, il ne déroge pas à sa nouvelle vie, cohérence oblige. Et le succès le conforte : après un succès fulgurant comme pubard, c’est le premier long indépendant, puis le deuxième, et les projets s’enchaînent, le menant aux quatre coins du monde, collectionneur de statuettes de prestige.
Grisante, l’immersion s’intensifie vingt ans durant, et la ligne rouge menace d’être franchie. « Je ne savais plus distinguer le vrai du faux, j’ai fait des crises de manque de Ricard pendant des tournages à l’étranger… » Le déclic final, Renan l’a eu récemment : de passage à Lille pour les repérages d’un long-métrage américain, Renan suit l’équipe américaine, décidée à goûter à un plat typique de la région. « Et là, attablé face à un welsh, j’ai été dégoûté. Dégoûté par un welsh ! » Renan se rend compte de l’absurdité de la situation, lui qui a été élevé les pieds dans le maroilles. Pris d’un malaise, il quitte le restaurant en courant.
Après ce choc et la décision de tout révéler, Renan ne sait pas encore ce que l’avenir lui réserve. Le sympathique Sudiste aux quatre César saura-t-il redevenir le Lillois réservé qu’il a abandonné il y a vingt ans ? Seul le Cinéma tranchera.
What the fuck xD
J’ai jamais été dupe !
On ne met pas seize sucres dans un expresso à Brive La Gaillarde !