Inédit : ils réussissent un tournage sans Talkies-Walkies
C’est un grand cap qui vient d’être franchi pour le technicien moderne qui plonge depuis bientôt 20 ans dans une communication animale par hautes fréquences, celles des Talkies-Walkies. Car Rudy Alogue, directeur de production dynamique, a fait le pari fou d’interdire complètement l’usage de ces derniers sur le tournage d’une série qui vient tout juste de s’achever.
Rudy se livre dans une interview touchante pleine de souvenirs sur le site de l’ADP (Association des directeurs de Production) : « j’ai un très bon souvenir du tournage d’un téléfilm que produisait mon père au milieu des années 90. Ils tournaient une longue séquence sur une plage aux Sables d’Olonnes et les gens prenaient le temps d’aller les uns vers les autres pour se parler. La courtoisie était au rendez-vous. C’était beau. Et le comble c’est que nous allions presque aussi vite car les gens n’étaient pas dépendants de leur Motorola et leurs problèmes techniques. Maintenant, en studio, impossible de se passer de Talkies ».
Car le Talkie est devenu l’outil indispensable des tournages mais un petit groupe d’intermittents résiste encore et toujours à l’envahisseur. Toujours plus nerveux et en colère, ils se font appeler le FLUT (Front de Lutte contre l’Usage des Talkies). Rudy fait partie de cette organisation qui réunit déjà 2546 signatures et s’est promis la chose suivante : « moi, directeur de production, j’interdirai les talkies walkies ».
La régie générale, qui s’habitue à déployer le plan Talkie Rescue Survivor à chaque projet, est ravie de cette décision. Car elle n’aura pas à courir après les batteries à 500€ l’unité. Finies les factures ahurissantes de Sabah Communication. Un poids en moins sur un tournage de 6 mois auquel participent plus de 300 techniciens.
Chez nos amis canadiens, où l’on enregistre une baisse record de communications par hautes fréquences sur un tournage, ils appliquent à la lettre le sens premier du Walkie-Talkie (attention, c’est à l’envers). « D’abord, tu marches ensuite tu parles« . En France, nous appliquons la méthode inverse depuis des générations sans même se poser la question. « Forcément, nous te donnons un Talkie-Walkie alors, d’abord tu parles et ensuite tu marches (Parce que ton Talkie n’a plus de batterie). Et combien de temps as tu perdu à chercher à joindre ton collègue de travail qui est situé à 3m de toi ? » s’amuse le directeur de production.
Le conseil supérieur des droits de l’Homme salue cette décision profondément humaine et l’initiative de ce grand directeur de production qui restera à jamais dans les mémoires de la Vème Convention Collective.
Au rayon caméra, nous enregistrons des progrès jamais vus auparavant. Hier encore, une décision qui n’était pas enregistrée par Talkie n’était pas considérée comme validée. Justin, stagiaire vidéo sait que son chef pourra dorénavant lui parler naturellement. « Je me sens beaucoup mieux. Auparavant, il me disait « bonjour » uniquement si j’avais allumé mon appareil. Une tristesse absolue. Une fois, à la cantine, je me lève pour aller chercher du dessert. J’ai eu la mauvaise idée de couper mon talkie à midi alors qu’il me demandait de lui en ramener« . 5 tourets BNC de 50m à enrouler et dérouler 100 fois suffiront pour punir le jeune débutant.
Grâce à Rudy Alogue, le plateau de cinéma ne s’est jamais aussi bien porté. Et avec lui, mettons un terme aux oreillettes qui s’accrochent dans les arbres en forêt mais aussi au volume trop fort du Talkie du premier assistant mise en scène (qui a décidé que c’était le seul à pouvoir s’abstenir d’oreillette). Et enfin, le plaisir de ne plus entendre la mauvaise foi absolu de celui qui ne comprend rien au Talkie-Walkie: « Je t’ai pas reçu. Faut changer ton micro » et le fameux : « Tu m’as pas reçu? Faut changer d’oreillette » qui suit juste après.