Financement du cinéma : Canal+ avait proposé un crowdfunding géant
Avant de trouver une solution acceptée par tous pour débloquer les négociations, qui sera ratifiée jeudi, Canal+ avait proposé un partenariat avec un célèbre site de financement participatif pour assurer sa part du financement du cinéma français. Une proposition disruptive réjouissante malheureusement rejetée par des institutions vieillissantes.
La start-up nation peine décidément à essaimer, et ce n’est pas faute de forces vives de propositions dans la société civile. Les dirigeants de Canal+ viennent d’en apporter la preuve à qui en doutait encore : les idées existent, elles sont brillantes, mais en bousculant trop l’establishment audiovisuel, elles viennent se heurter à un plafond de verre qui semble bien difficile à abattre. Le ministère de la Culture et les associations de producteurs ont tué dans l’œuf une proposition de la direction de Canal+ pour mettre en œuvre un système alternatif de financement du cinéma français fondé sur la participation des citoyens via un programme géant de crowdfunding.
Le projet semblait pourtant remplir toutes les cases. Innovant : seuls quelques pionniers s’y étaient aventurés, à l’image de Fidélité Films pour un film d’André Téchiné en 2013, et déjà avaient essuyé critiques et râleries de quelques bien-pensants installés très haut sur l’échelle sociale du cinéma français. Technophile, grâce à un partenariat avec un site web permettant à tout un chacun de participer à la résilience de l’exception culturelle française. Cost-effective, puisqu’au lieu de quelques 150 millions d’euro à investir, Canal+ estimait à quelques milliers d’euro les frais de fonctionnement du site, « probablement financés par la publicité ciblée », selon une source interne bien informée. Transversal et inclusif enfin, puisque selon les calculs savants d’un business plan mûrement réfléchi, il fallait compter sur 3€ environ par Français et par an : une bagatelle, et surtout « l’occasion de tous avoir le sentiment de faire partie de l’aventure humaine qu’est le cinéma », concluait, enthousiaste, un cadre supérieur du fleuron de l’audiovisuel français.
On peut donc regretter que la rigidité des associations de producteur et du ministère de la Culture aient eu raison d’un tel projet. À une vision innovante ont été opposés des prétextes pragmatiques (« 3 euro par habitant, encore faudrait-il que les enfants acceptent de participer… » se moquait ainsi un fonctionnaire du ministère dans les coulisses de la négociation), cache-misères d’une posture passéiste qui s’oppose, en vain espérons-le, à l’inexorable avancée du Progrès.